Coup de coeur


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Joseph Vente en 1937, dans la de son régiment en Alsace :
il tient par la bride Farandole,
le cheval du colonel qu'il monte tous les jours pour une heure
de promenade

L'artilleur Joseph Vente, filmé pour La Grande illusion que Renoir vient tourner à Colmar en 1937.

Le prisonnier de guerre occupé aux travaux des champs dans une feme de Kemberg (Saxe)

 

 

 

 


 

Coup de coeur

Joseph Vente
prisonnier en Allemagne de 1940 à 1945

La vie volée de Joseph Vente, de Gumières
Une histoire d'homme sur fond de guerre

Le dernier figurant de la Grande illusion

Le 12 janvier prochain, Joseph Vente, de Gumières, fêtera ses 90 ans. Et ses amis déjà lui réservent une surprise : il verra, pour la première fois, La Grande Illusion, le film de Jean Renoir, tourné à Colmar, dans la cour de son régiment, où il tient, avec d'autres, un rôle de figurant. "Après, ce fut la guerre, je ne l'ai jamais vu", dit le vieil homme sans amertume. Le film raconte l'enfer des Poilus de 14-18, une douloureuse réalité que le jeune soldat n'allait pas tarder à connaître. Cette jeunesse volée par la captivité, qui a jeté, on le sent, une ombre sur sa vie, Joseph Vente a bien voulu en parler pour Village de Forez qui publie son récit dans un Cahier superbe.

Le tonton Joseph, comme on l'appelle ici, n'emploie pas de grands mots. L'homme meurtri laisse parler son cœur, avec cette tendresse de ceux qui, malgré tout, veulent croire à la paix, à la fraternité. "Il a connu la guerre, mais toute sa vie, au fond, n'est qu'une histoire d'amour" dit son voisin, André Courbey.

Gumières. Le village, qui s'étire au loin sous la protection du clocher trapu de l'église, semble hors du temps et hors d'atteinte. C'est bien le seul endroit où les lapins sauvages qui broutent l'herbe et le silence en bordure de la route ne sont pas le moins du monde effarouchés par les passants : même en période de chasse, ils ne bronchent pas d'un poil.

C'est de là que Joseph Vente est parti pour la guerre.

A 22 ans et des poussières. La guerre, il connaissait déjà, on pourrait dire depuis toujours : il est né l'année de Verdun, le 12 janvier 1916, ce qui lui valut d'être incorporé avec la classe 35. A l'époque, on servait deux ans sous les drapeaux. Démobilisé fin octobre 1938, le voilà de retour au pays, mais pour peu de temps. Rappelé pour 21 jours, il ne reviendra que six ans plus tard, la guerre finie. Soit neuf ans d'une jeunesse volée, neuf ans de privations qui ont laissé leur marque.

Sûr qu'il avait de quoi être aigri, Joseph Vente. Rassurez-vous, il ne l'est pas le moins du monde. Certes, on sent bien qu'il a souffert de privations, affectives surtout. On a beau être une force de la nature, bien dans son corps, bien dans sa tête, cinq ans d'éloignement, sans lien ni personne à qui se raccrocher, ça finit par détruire.

"Cinq ans, ça fait long, on ne se voyait plus revenir. On n'avait plus d'affection pour sa famille, plus d'affection pour son pays ni rien du tout", se souvient Joseph Vente. La guerre ? "Nos obus de 75 étaient tractés par six chevaux, alors que les Allemands avaient de puissants engins. Jamais nous n'avons eu de position stable, on a toujours fait marche arrière". Jusqu'au jour où le bataillon est fait prisonnier. Fallait-il s'évader ? "C'était le jour de l'armistice, le 24 juin 40, on avait l'assurance que ceux qui étaient faits prisonniers ce jour-là n'iraient pas en Allemagne". La plupart font confiance aux sirènes rassurantes : "Quand le train sera rétabli, nous rentrerons chez nous". C'est avec cet espoir qu'ils s'entassent un matin dans des wagons belges à bestiaux... une sentinelle à chaque porte. Direction: les camps, les miradors, les barbelés. "Deux tranches de pain par jour, la paille pour dormir, la nuit avec les poux".

Deux de ses frères étaient prisonniers comme lui."Je n'ai jamais eu de nouvelles, je n'ai su qu'ils étaient vivants que quand je suis rentré". De retour au pays, il a parfois encore le sentiment d'abandon : "J'ai touché 400 francs pour cinq ans de prisonnier avec un costume et une paire de souliers. Un costume en coton coûtait alors 250 ou 300 francs. Pour toute l'année, un ouvrier agricole de 18 ou 20 ans gagnait 2 000 francs, à peu près 10 francs la journée". Le sentiment que la vie était repartie sans lui, c'est la seule amertume que Joseph laisse poindre.

Quand il parle de la vie d'après, sur un ton modeste et pudique, l'homme au soir de sa vie respire la bonté. C'est peut-être pour cela que les lapins de Prolanges, le hameau où il vit à Gumières, se sentent ici chez eux quand ils broutent insouciants l'herbe devant sa porte.

Heureux lapins !

Jean Thollot (La Liberté du 28 octobre 2005)

Joseph Vente entouré de ses amis allemand, Peter, professeur de français en Allemagne du sud et Sigi, son épouse : "Il y en a qui me disent : Tu attire les Allemands, on ne dirait pas que tu as été prisonnier, toi". A quoi il répond, tranquille : "Il n'était même pas né quand j'étais en Allemagne, alors je ne peux pas avoir de mauvais souvenirs de lui. Ce n'est pas parce qu'ils sont allemands que je peux les critiquer".

Pour questions, remarques ou suggestions s'adresser :

forezhistoire@free.fr

Voir aussi les pages spéciales :

Gumières
Saint-Jean-Soleymieux

Patois de Saint-Jean

Cinq ans prisonnier en Allemagne (1940-1945)
le témoignage de Joseph Vente

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